L'Épistolaire

correspondances

L’imprévisible

Wyrd, mot présent dans le vieil anglais, est, dans la mythologie nordique, la représentation du destin.

Ce principe nordique est représenté par une toile, tissée par les Nornes, divinités qui, à l’instar des Moires grecques, font évoluer le tissu en tenant compte de chaque fil, tout être faisant intrinsèquement partie du tout, chaque choc ayant son impact sur l’ensemble de la toile qu’est «l’advenir».

De ces Nornes est né l’adjectif weird signifiant «bizarre», puisqu’elles étaient souvent décrites ou rendues comme étant douteuses et même effrayantes, ce qui pourrait éventuellement dénoter un certain malaise sociologique par rapport à la réalisation du soi.

Die Nornen

Gravure de 1889 représentant les Nornes (Johannes Gehrts)

À noter que le mot norrois pour «destin», urðr, est aussi le nom d’une de ces Nornes, et désigne «ce qui s’est produit». Ce qui devient intéressant est qu’il y a deux directions sémiologiques que ce mot a prises :

  1. «vocable», dans le sens de mot, qui devient en anglais word, langues scandinaves ord, germaniques wort, voort, &c. * De plus, il est intéressant de constater que ORD devient, en français, par exemple, «ordonner» (du latin ordo). La toile est donc bien mesurée et s’ajuste aux événements.
  2. Le récit du devenir, c’est-à-dire tout ce qui fait partie de ce qui se mesure en temps, à savoir «ce qui fut, ce qui est et ce qui sera».

Or, le récit du devenir est lui-même mot (fatum, du mot latin «dit, par exetension déclaré», qui devient «fatalité»).

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Wyrd se rapproche aussi de la racine celte VI, signifiant «tourner, tordre, courber». C’est ce qui a entre autres donné au français les mots virer et virole. D’où, d’ailleurs, la construction «turn out» ou encore «wind up» en anglais. C’est cette même racine VIR- qui donnera WER- dans le «devenir» werden allemand, verða en norrois, &c. Comme le vieil irlandais a d’ailleurs weith pour «fibre», l’anglais a weave pour «tisser». * verða a dans l’une de ses formes conjuguées au passé le fameux urðr.

WER-, par analogie VER- donnera entre autres vertere en latin, «tourner», et puis versus, contre, en considérant que cela part du principe de «tourner vers, contre». Même racine dans verser et vers/verset, donc «retourner un liquide» ou «manière d’arranger les mots, tournure de phrase».

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