L'Épistolaire

correspondances

La lune

lune , du latin luna, provenant de luxna, (lux «lumière» + na). En grec, mene «lune» a fini par donner mensis en latin, pour «mois», puisque l’Occident se base sur le calendrier lunaire. De la même racine proviennent des dérivés germaniques tels que moon, mund, måne, &c.

Surface de la lune

Dans le Dictionnaire des symboles, de Jean Chevalier et Alain Gheerbrant:

C’est en corrélation avec celui du soleil que se manifeste le symbolisme de la lune.

Ses deux critères les plus fondamentaux dérivent, d’une part, de ce que la lune est privée de lumière propre et n’est qu’un reflet du soleil; d’autre part, de ce qu’elle traverse des phases différentes et change de forme. C’est pourquoi elle symbolise la dépendance et le principe féminin (sauf exception), ainsi que la périodicité et le renouvellement. À ce double titre, elle est symbole de transformation et de croissance (croissant de lune).

La lune est un symbole de rythmes biologiques […]

[Elle] symbolise aussi le temps qui passe, le temps vivant, dont elle est la mesure, par ses phases successives et régulières. […]

La lune est aussi le premier mort. Pendant trois nuits, chaque mois lunaire, elle est comme morte, elle a disparu… Puis elle reparaît et grandit en éclat. De même, les morts sont censés acquérir une nouvelle modalité d’existence. La lune est pour l’homme le symbole de ce passage de la vie à la mort et de la mort à la vie; elle est même considrée, chez beaucoup de peuples, comme le lieu de ce passage, à l’instar des lieux souterrains. C’est pourquoi de nombreuses divinités lunaires sont en même temps chtoniennes et funéraires: Mên, Perséphone, probablement Hermès… […]

La lune est un symbole de la connaissance indirecte, discursive, progressive, froide. La lune, astre des nuits, évoque métaphoriquement la beauté, et aussi la lumière dans l’immensité ténébreuse. […]

La lune produit la pluie; les animaux aquatiques, professe Houai-nan tseu, croissent et décroissent avec elle. Passive et productrice de l’eau, elle est source et symbole de fécondité. Elle est assimilée aux Eaux primordiales dont procède la manifestation. Elle est le réceptacle des germes de la renaissance cyclique, la coupe qui contient le breuvage d’immortalité: c’est pourquoi elle est appelée soma, comme ce brevage. […]

Dans l’hindouisme, la sphère de la lune est l’aboutissement de la voie des ancêtres. […]

La lune est parfois affectée d’un signe néfaste. Ppour les Samoyèdes, elle serait l’œil mauvais de Num (le Ciel), dont le soleil serait l’œil bon. […]

Chez les Mayas elle est un symbole de paresse et de licence sexuelle (THOH). Elle est également la patronne du tissage et, à ce titre, a l’araignée comme attribut. […]

Dans tout le monde sémitique du Sud, (arabe, sudarabique, éthiopien), la lune est de sexe masculin et le soleil de nature féminine […]. […]

Comme la terre, le soleil et les éléments, la lune (esca) sert de garant dans les formules usuelles de serment irlandais. Le calendrier celtique, que nous connaissons sous sa forme luni-solaire à Coligny, était lunaire à l’origine: c’est par cet astre que les Gaulois règlent leurs mois et leurs années, de même que leurs siècles de trente ans (Pline, Hist. Nat. 16, 249; OGAC, 13, 521 sqq).

[…]

On voit figurer dans les taches de la lune tout le bestiaire lunaire, selon l’imagination des différents peuples.

Au Guatemala et au Mexique, elles figurent un lapin et quelquefois un chien. Au prou, un jaguar ou un renard.

Mais, toujours au Pérou, certaines traditions y voient, comme dans le folklore européen, les traits d’un visage humain, tandis que, suivant une tradition des Incas, elles sont faites de poussières que le soleil aurait par jalousie jetées à la face de celle-ci pour l’obscurcir, la trouvant plus brillante que lui (MEAA, LECH).

Pour les Yakoutes, les taches de la lune représentent une fillette qui porte sur les paules une perche avec deux seaux à eau. La même image est complétée par une oseraie chez les Bouriates. Une figuration analogique eut cours en Europe et se retrouve chez quelques peuples de la côte nord-ouest d’Amérique, tels que les Tinkites et les Haïdas (HARA, 133-134).

Les Tatars de l’Altaï y voient un vieillard cannibale, ayant été enlevé de la terre par les dieux pour épargner l’humanité. Les peuples altaïques y voient un lièvre. Des chiens, des loups, des ours habitent la lune, ou figurent dans les mythes concernant ses changements de phases, en Asie centrale, notamment parmi les Golds, les Ghiliaks, les Bouriates.

[…]

À travers la mythologie, le folklore, les contes populaires et la poésie, ce symbole concerne la divinité de la femme et la puissance fécondante de la vie incarnées dans les divinités de la fécondité végétale et animale, fondues dans le culte de la Grande Mère (Mater magna). Cette coulée éternelle et universelle se prolonge à travers le symbolisme astrologique, qui associe à l’astre des nuits l’imprégnation de l’influence maternelle sur l’individu en tant que mère-nourriture, mère-chaleur, mère-caresse, mère-univers affectif.

[…]

LUNE NOIRE

La Lune Noire est un point fictif dans le ciel, dont l’importance s’avère capitale dans le thème astrologique. Son hiéroglyphe est figuré par une faucille barrée ou par deux croissants de lune formant un soleil central ponctué d’un point: l’œil même de la licorne, lieu métaphysique s’il en est.

La Lune Noire, que l’on associe à Lilith, la première femme d’Adam, dont le sexe s’ouvrait dans le cerveau, est liée essentiellement à des notions d’intangible, d’inaccessible, de présence démesurée de l’absence (et l’inverse), d’hyperlucidité douloureuse à force d’intensité. Plus qu’un centre répulsif occulte, la Lune Noire incarne la solitude vertigineuse, le Vide absolu qui n’est autre que le Plein par Densité. […]

Hadès associe la Lune Noire à l’élément lourd, ténébreux de Tamas: elle symboliserait alors l’énergie à vaincre, l’obscurité à dissiper, le karma à purger. Elle est toujours reliée aux phénomènes extrêmes, oscillant entre le refus et la fascination. […]

5 réponses à “La lune

  1. Hérétik 11 juin 2010 à 1:57

    Très beau billet. J’aime ce genre de réflexion qui interprètent les choses qui occupent notre espace, mais qu’on ne regarde souvent même plus, à force d’habitude.

    J’ignorais que le mot « mois » dérivait de « Lune » en Grec… je vais me coucher un peu moins idiot ce soir.

  2. seranessa 12 juin 2010 à 3:22

    Merci ! J’ai pris la peine de faire cette longue citation parce que les infos au sujet de la lune y sont très complètes et assez surprenantes !

  3. Sombre Déréliction 17 juin 2010 à 2:13

    Le passage « lune Noire » est très fascinant!

  4. Sombre Déréliction 18 juin 2010 à 12:16

    C’est, en effet, très beau! 🙂

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